Orgasme

Je venais d’avoir mon petit orgasme du vendredi en découvrant la chronique de Juan José Millás. Sur le chemin qui va de la maison au métro, j’avais mis la main sur un exemplaire d’El País, le quotidien national, ne me restait plus qu’à trouver un endroit tranquille pour me délecter des nouvelles du monde, ragout sociopolitique de ragots polémiques. Le café du Circulo de Bellas Artes où je pensais me réfugier abritant ce matin un colloque de journalistes (le propre Millás était-il même peut-être des invités ou des intervenants), je m’engouffrais dans le métro sans réfléchir. Quelques pullovers rayés disséminés ça et là me rappelaient la nuit d’halloween encore présente à mon esprit. Sans prêter plus d’attention aux Freddy de substitution, je descendis les escaliers qui mènent aux tourniquets puis ceux qui conduisent vers le quai. La rame à destination de Goya n’arrivait que dans quelques minutes, temps suffisant pour prendre connaissance du pamphlet de Millás intitulé aujourd’hui « Onanismo ». Il était curieux de voir comment dans des langues différentes nos idées se rejoignaient parfois, sublimant le quotidien, faisant une nouvelle d’un rien, élevant l’anodin au rand d’exceptionnel, d’extraordinaire. Arrivé à destination après quelques stations, j’entrais dans le seul café du quartier fréquentable à cette heure où une petite sirène me servit un grand moqua. A deux tables de là, Freddy m’observait de son regard canaille. J’aurai bien sur le champ commencé à noter mes impressions de ce début de matinée mais chose rare je n’avais pas de papier! Parcourant le journal de façon compulsive, à la recherche d’un espace vierge, d’un encart publicitaire qui ferait la part belle à l’image, je du me rendre à l’évidence et constatais que pas un centimètre carré, par le moindre interstice n’était libre pour recueillir mes propos. Le canard maculé dans son entier des mots des autres, il ne me restait plus qu’à me convertir en lecteur passif et les lire! A la rubrique ciné, on parlait de la fin du monde prévu par les Maya pour l’an 2012. Et les Incas? J’aurai pu demander à Bea. Mais son monde on le savait s’était éteint voilà cinq siècles de cela! Aujourd’hui samedi, les sosies de Freddy avaient eux aussi disparus. Une banderole sur la place confirmait ce que j’avais lu la veille. Le 14 novembre était le jour de la Marche mondial pour la paix et la non violence. Je ne suis pas sûr que les échos des voix des manifestants ne parviennent jusqu’aux sourdes oreilles des dictateurs et chefs de guerre qui font un peu partout de la terre un charnier. Il semble bien qu’ils se soient mis d’accord pour respecter le calendrier des Maya et vu l’ardeur qu’ils mettent à la tâche, peut-être même ne tiendrons-nous pas jusque là! Trois ans pour éradiquer de la surface de la planète toute trace de vie, le délai est trop long, assoiffé de sang qu’ils sont! En attendant, je me tape un copieux bizcocho, la fin du monde, ça m’ouvre l’appétit!