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Le blog littéraire de Cedric Josse
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21 janvier 2010

Une vie de chien

UNE VIE DE CHIEN

Je suis à la bourre dans mes notes. Pourtant rien ne me presse. C’est juste le stresse, la hantise de ne pas pourvoir finir à temps. Voir les projecteurs s’éteindre au milieu de l’unique prise de ce malheureux court-métrage dont je suis le héros. Comédien débutant, hésitant, balbutiant le texte rabâché par ses ainés mais portant néanmoins en lui toutes les espérances de l’humanité, son désespoir aussi.

Pourtant je suis un chien! WOUAH, WOUAH !

-          Tiens dont ton sale clébard en laisse !

-          Ta gueule connasse !

-          Attaque! (Et le stupide cador se retourna contre son maître et le mordit !)

Un homme vivant une vie de chien… Voilà une expérience intéressante! Je ne serais certes pas le premier mais néanmoins le défit paraissait intéressant. (Je dirai même que l’idée de le relever me démangeait ou que je m’en léchais par avance les babines d’avance !)

Au jour suivant mettant en pratique mes réflexions de la veille, quand la porte de l’immeuble s’ouvrit,  je bondis  dehors, nu comme un ver et faisant des sauts de cabri jusqu’à l’arbre le plus proche que j’avais déjà gratifié auparavant en tant qu’humain, déversant sur lui la pluie drue d’une nuit de rétention.

Il faisait froid et je devais courir pour me réchauffer ! Arrivé à la place j’entendis un couple de pigeons qui se moquaient de moi.

-          Regarde le celui là qui se prend pour un chien !

Des volatiles, un gros chat mais point d’humain! A cette heure les bipèdes étaient encore à la maison ou leur gros cul déjà vissé dans ces drôles d’engins qui les conduisaient au boulot ! Ils étaient décidément trop bête ces hommes et je me m’interrogeais, me demandant pourquoi diable ils ne travaillaient pas là où ils résidaient ce qui leurs aurait épargné temps et fatigue inutile ! Enfin bon, chacun sa logique !

L’heure du petit déjeuner approchait et je commençais à avoir les crocs. En chien errant j’aurai pu faire les poubelles, voir si les SDF du quartier m’avaient laissé quelque chose, mais ma condition de bourgeois décadent m’interdisait pareilles pratiques. Le fait de marcher à quatre pattes ne faisait pas de moi un gueux et si je n’avais plus l’habit je conservais néanmoins les manières d’antan ! Je pouvais entrer dans un café ou à la boulangerie mais je craignais que mon aspect ne les effraie. De plus je n’avais point d’argent ! Où aurai-je rangé grosses coupures et petites pièces? J’aurais pu m’approcher nonchalamment de l’une de ces échoppes en espérant que l’on me jeta ma pitance mais je connaissais bien la mentalité des commerçants. (S’ils ne donnaient déjà rien à leurs semblables qu’auraient-ils pu m’offrir, à moi qui étais devenu chien !) De plus, le commissariat n’était pas loin, je ne voulais courir risque voir finir mon aventure derrière les barreaux d’un chenil pour bipèdes une foi délogé du carreau par les poulets ! Démarrer la journée au placard, moi qui rêvais d’espace et de liberté il y avait mieux !

Et puis qu’aurai-je dis à Bea quand elle serait venue me chercher ? Il m’aurait fallu redevenir un tantinet humain, répondre à ses questions et à celles de la flicaille, faire des aveux et signer résigné ma déposition d’une pate tremblante, reconnaissant mes torts et mon erreur. Car si je m’entêtais et aboyais; WOUAH, WOUAH!  Ou s’il me prenait d’accueillir Bea en remuant la queue, gare à moi! On me conduirait tout droit à l’asile sans même me permettre de repasser pas la maison pour m’emparer de quelques effets personnels.

Je me voyais donc contraint au jeûne sans remède quand passant par hasard au ras d’un camion de livraison à cheval sur la chaussée et le cul sur le trottoir je vis que le livreur étourdit avait laissé un plateau entier de croissants sur le haillon baissé. Aubaine pensais-je et je commençais à m’empiffrer les viennoiseries quand d’un coup de pied bien appuyé il m’envoya valdinguer par-delà les pâtisseries, roulant boulant dans le fond de la camionnette pour finir la gueule écrasée contre la tôle séparant l’habitat de la zone de charge.

-          Fils de chienne! Sorts de là sur le champ !

En voilà un livreur mal léché ! Finissant sa tournée et manifestement dégouter de voir un cabot engloutir sans vergogne ses marchandises in s’en prenait à moi! C’est bon je sorts, pas la peine d’élever la voix ni d’être grossier! (Je déteste la violence verbale presque autant que la physique !) Les parties meurtries et la queue aplatie entre les jambes je m’enfuis l’arrière train plaqué du sol, évitant de justesse un second coup de pied, hors de la vue de ce dégénéré.

Une niche faite de planches qui trônait là, au milieu d’un petit parc pour enfants me servit de refuge. Il était intéressant de constater comment chiots et petits humains avaient droit aux mêmes traitements. (Dans leur jeune âge seulement.)  On leur fabriquait des demeures similaires à la différence que l’enfant pourrait en sortir mais jamais le chien! Il y aurait son nom marqué à vie comme sur une boite à lettres et attendrait durant des jours sans fin l’heure du courrier, une missive cachetée, une ordonnance qui lui restituerait sa liberté volée. Les enfants eux ne s’enfermaient que le temps d’un jeu, rêvant aux adultes qu’ils seraient le lendemain. Et c’était là l’autre différence… Les parents ! Abusifs, répréhensifs et vaniteux pour les humains, simples géniteurs pour les chiens mais au combien plus tendres envers leur progéniture.

C’est à ce moment que la pluie fit son apparition. Aubaine pensais-je que cette eau tombant du ciel et j’en profiter pour me laver. Ma toilette terminée et l’estomac rempli, je pouvais partir en goguette et aller fureter un peu à la recherche de quelque belle de mon espèce.

Sans tarder, j’en aperçu une à sa fenêtre dans le plus simple appareil. Je constatais que son pelage était semblable au mien, clair et éparse sur les côtés, plus sombre et plus fournit sur le dessus. Aucun doute il s’agissait bien d’une petite femelle de ma race. Excité par ce beau corps, je me mis à japper pour attirer son attention. Plus amusée sans doute qu’affolée, elle m’invita à monter. La porte s’ouvrit d’elle même. Je gravis quatre à quatre les quatre marches qui conduisaient au premier, passant devant une pièce ou ces maîtres s’adonnaient à la reproduction de l’espèce dominante et gagna son logement.  Lascive, elle s’offrait sans pudeur  à la vue sur le sofa. En m’offrit sa croupe que je l’empalais après pour l’avoir reniflé. (Je vous rappelle que je suis un chien.)

Suite le coït, coup classique, elle voulut discuter ! Savoir si j’étais seul, d’où je venais, où je vivais, etc. Doutant fort que le seul vocable de mon lexique canin soit de son goût, (quand bien même l’eussè-je répété plusieurs fois : WOUAH, WOUAH, WOUAH !) je décidais qu’il était temps de fuir avant que la situation se complique. Regagnant la rue bienveillante, je constatais que la pluie avait cessé.

Je décidais de poursuivre mon échappée en direction du centre et des boutiques. L’un des seuls magasins qui nous était dédié à nous autres, bêtes à plumes ou poils se trouvait à Chueca. Redoutant là aussi que les habitants du quartier ne se méprennent sur mes réelles intentions, me voyant ainsi déambuler le derrière offert aux monts et aux vents, j’optais finalement pour le 6ème étage du Corte Inglés qui me semblait plus sûr.

Cependant quand je franchir les portes du grand magasin, si le vendeur de journaux ria de tout son soûl, le vigile lui sortit illico son talkie-walkie pour prévenir ses collègues qu’un satyre venais d’entrer dans l’édifice. (Une course poursuite s’engagea.)

-          Viens ici satané clébard !

-          Tu n’as donc pas lu la pancarte ! (Comment aurai-je pu la lire, si elle était placée à hauteur d’homme ?)

Par chance, je connaissais bien le magasin pour y avoir fait mes achats dans mon autre vie. Je me faufilais parmi les rayons de vêtements, grimpant d’escalator en escalator et déjouant les pièges et les tentatives embuscades de ces pseudos gendarmes butors. A l’étage escompté, derrière les perceuses, ponceuses, visseuses, le matériel électrique et tout le bric-à-brac utile aux bricoleurs d’un jour, je déboulais au milieu des sacs de croquettes et accessoires canins. Un rien essoufflé, je terminais à l’agonie, mirant langue pendante l’horizon qui se refermait sur moi. Un escadron de matons, pantalon gris et veste bordeaux m’encerclait. Ils comptaient bien me capturer pour me bouter fissa loin de leurs précieux clients.

-          Viens !

-          Viens ici !

-          Viens mon beau !

-          Mais viens donc !

-          Attention, il va te mordre !

Les deux hommes impuissants pour changer, c’est une femme qui laissa de côté la matraque et la corde et me tendit sa main. (Aurait-elle reconnu en moi l’humain qui sommeillait ?) Je me couchais sur le flanc docile et la laissais me caresser. Peu à peu, vaincu par ses bons soins je m’assoupis. En m’éveillant je constatais, que cette main qui me prodiguait des caresses n’était autre que la menotte de Bea. J’avais encore rêvé n’ayant jamais quitté mon lit ni le confort rassurant de ma chambre à coucher. 

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