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Le blog littéraire de Cedric Josse
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  • Ce blog mélange récits, expériences personnelles, analyses et critiques de la société le tout ponctué de commentaires sur l’actualité nationale/internationale. Este blog mezcla relatos, experiencias personales, análisis y critica de la sociedad.
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8 février 2010

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Oro, oro, oro! Repiten como loros!

Pour atteindre le seuil critique de pauvreté c’est en somme assez simple, il suffit que nos revenus n’excédent pas les 60% du salaire moyen national pour se voir aussitôt flanqués de l’effroyable « P » qui dorénavant régira notre condition de nouveau pauvre. On aura beau marcher la tête haute, pas facile de traîner derrière soi un tel fardeau et la cicatrice qu’il laissera risque de prendre des années à s’effacer. Mais après tous, on nous avait assez prévenus du danger! N’aurions nous pas dû nous montrer plus attentifs et nous méfier d’avantage? Puisque de l’autre côté de la barrière, les nouveaux riches poussaient comme des champignons, il était normal après tout, que notre population aussi augmente!

Si l’on considère le salaire moyen espagnol à 1000 euros pour arrondir (beaucoup de gens ne les gagnent pas, quelques autres gagnent beaucoup plus), est donc admis dans la communauté des indigents sans autre condition, qui ne perçoit pas plus de 600 par mois, soit 20 euros par jour environ, toujours pour faire rond.

Aujourd’hui, je n’ai que 5 euros en poche, ce qui fait de moi un pauvre parmi les pauvres! Cependant pas question de me priver pour autant! Après une bonne douche pour me défaire des contractures de la nuit et des courbatures de la classe de yoga qui la précéda, j’irai caler mon estomac dans un café du centre.

Je déserte volontairement mon nouveau repère « chic et pas cher » pour le Starbucks où je sais pertinemment que mes malheureux 5 euros ne feront pas long feu. Mais à quoi bon me leurrer et faire durer l’illusion que je possède quelque chose quand mon seul trésor se résume à un petit bout papier froissé, recroquevillé entre l’étoffe de mon jean et mes bourses dans la frêle membrane de ma poche sur le point de se rompre de ce manque d’argent? Je serais content de le dépenser une bonne fois et après je me sentirai plus léger, libéré pour de bon!

C’était bien sûr c’était sans compter sur la providence, ma bonne étoile, le hasard ou comme on aimera nommer la convergence du destin et de la chance qui en un point donné s’unissent pour établir de nouvelles bases à une situation que l’on donnait pour acquise.

Guidé par mon instinct et ensorcelé par le chant lointain des sirènes, mes pas, à la rigueur mon ventre mais pas ma queue (quoique, si j’étais bel et bien un mammifère, une bête, un chien je n’en demeurai pas moins un vaurien d’humain) me conduisirent jusqu’au fief neptunien de Callao ou un fanion blanc et noir cerclé de vert annonçait la couleur comme le pavillon hissé haut au mat d’un bateau pirate. « Sirènes à tribord, les femmes et les enfants en arrière, les hommes d’abord! »

De l’autre côté de la place, (à bâbord si vous avez suivit) le vieux cinéma de 1929 projetait le dernier film de Clint Eastwood, pas de doute, on entrait bien en territoire yankee!

Je poussais la porte d’entrée du café et sans bruit me dirigeais vers le comptoir. Le barista occupé à nettoyer ses robinets leva sur moi un regard morne. La serveuse affairée de son côté tournait le dos à cet unique client qui venait d’entrer dans sa boutique.

Si j’avais eu une arme à feu en ma possession en cet instant, il m’aurait suffit de crier « Haut les mains! » pour la voir lever les bras. Le barista moins chanceux pouvant m’identifier aurait eu droit à deux balles bien placées, une dans chaque poumon, histoire de vérifier si comme on nous l’enseignait au yoga, on pouvait vraiment respirer avec le diaphragme et aussi pour lui apprendre que la curiosité pouvait jouer des tours!

Après, j’aurai pillé la caisse, actionnant le tiroir de ma main libre, tenant en joue la femme poisson de l’autre, bien décidé à lui coller une bastos entre les arrêtes si elle jouait les braves ou tentait de se retourner.

Ça ferait un bon début pour une prochaine histoire et pour ce jour que les poches remplies (de l’argent des autres mais n’en n’est-il pas toujours ainsi) j’aborderai différemment. Je ne passais néanmoins pas mon plan à exécution. Le hold-up envisagé se solda par une montée d’adrénaline et une poussée d’endorphine avant de retourner à tout jamais dans le fin fond de mon cerveau et personne d’autre que vous ne saura rien de ces pensées diaboliques! Au regard interrogateur du barista, je me contentais de répondre: Un moqua!

Puis la sirène se retourna. Je savais déjà de par son apparence générale, sa stature, son port de tête, sa coiffure, qu’il s’agissait de Luna. Sans trop nous rapprocher, le destin (toujours lui) s’employait à ne pas trop nous éloigner!

En me voyant, elle me sauta au cou! (C’est une image bien sûr!) Elle me posa mille questions auxquelles je répondis bien volontiers un brin séducteur d’un ton emplie de courtoisie. Ce que je faisais? Etais-je toujours à Madrid? Lui donnerai-je mon numéro de téléphone? (Car elle avait perdu le sien.)

Elle me nota de la pointe d’un gros feutre sur un ticket vierge son e-mail: loba_666_@hotmail.com

Marquée du double signe de la bête, loba (la louve) et 666, le numéro du Diable, la déesse, sous les traits d’un agneau cachait une créature féroce et il ne me restait qu’à laisser les évènements suivre leur cours pour voir à la rigueur d’une nuit, de pleine lune de préférence la jolie Luna se transformer en ce qu’elle était vraiment!

En attendant, j’eu droit à un moqua, beaucoup plus grand que d’ordinaire sans débourser un seul centime! Même si ma tentative de hold-up avait échoué, la journée n’en demeurait pas moins prometteuse!

L’heure du déjeuner arriva plus vite que la faim. Là aussi, malgré mes 5 euros conservés intacts, il eut été plus raisonnable de rentrer déjeuner à la maison. Dehors je pourrai tout juste m’offrir un sandwich et pour la boisson, ce serait un verre d’eau tiède et chargée de nitrates! J’eu cependant droit à un double hamburger avec des frites, une bière fraîche et un brownie en dessert!

Bea, en effet pour m’avoir injustement rabroué la veille, m’invita chez Alfredo’s barbacoa. L’incident avait beau être enterré, j’acceptais néanmoins sa proposition de bonne augure, salivant déjà à l’idée du steak haché au fumet de houille que j’allais m’envoyer! Mumm!

Le repas s’acheva à 16 heures et à 21 heures, je rejoignais quelques amis autour d’un verre dans un café de Malasaña où nous avions coutume de nous retrouver pour notre débat hebdomadaire. (Ni taverne, ni cantine, ni cafétéria et encore moins horrible bar à tapas, il avait fallu le dégoter ce bistrot au charme suranné, l’un des rares endroits potables de la capitale.)

Echanges linguistiques, conversations amicales qui après quelques bières virait au débat politique et social. On soupesait, évaluant les avantages et les inconvénients des deux mondes. En français ou en espagnol, notre « conquête » se voulait pacifique. Et pour résumer notre effroi devant le constat accablant qu’ici comme là-bas tout était à changer car nous à l’évidence nous ne changerions pas notre jugement, le seul mot nous venait à l’esprit pour évoquer le désastre de nos sociétés respectives était FIASCO! (L’avantage du mot est qu’il à peut près le même sens dans les deux langues.)

La discussion terminée, je redescendis la rue commerçante, où quelques mannequins déshabillés me firent de l’œil, du moins m’employais-je à la voir ainsi, col relevé et les points serrés au fond des poches. Dans la doublure du pantalon, je sentis sous mes phalanges le tact du papier glacé. C’était ma coupure de 5 euros du matin dont personne n’avait voulu, mes consommations du soir ayant elles aussi étaient réglées par d’autres deniers que les miens! Je sortis le billet que je contemplais à la lueur d’un réverbère. En haut à droite un numéro de série je suppose que je pus déchiffrer, P11452656475

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