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Le blog littéraire de Cedric Josse
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  • Ce blog mélange récits, expériences personnelles, analyses et critiques de la société le tout ponctué de commentaires sur l’actualité nationale/internationale. Este blog mezcla relatos, experiencias personales, análisis y critica de la sociedad.
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24 octobre 2009

Droit à la vie

Copie_de_SDC13844Samedi, un peu avant dix neuf heures, je chausse les crampons en direction du parc. Dans la rue, il y a presque autant de monde que le week-end dernier. Il n’y a pourtant cette semaine à ma connaissance ni pont, ni fête. Qu’est donc venu faire tout ce peuple à Madrid? En bas de Huertas, je me heurte à la première déferlante en provenance de la plaza Neptuno [en fait la plaza de Cánovas del Castillo rebaptisée par les gens plaza Neptuno en raison d’une imposante statue du dieu de la mer en son centre, bravant les eaux de la fontaine qui elle porte son nom: Fuente de Neptuno.] Une foule hagarde se repend sur les trottoirs, envahissant la chaussée et la promenade plantée. D’où sortent-ils? A quel châtiment divin tentent-ils d’échapper? Je m’en vais avant d’être happé par la marée humaine, contournant le musée du Prado par la droite pour gagner en haut de la côte le Retiro où je viens faire mon footing. Surprise! Ici, plus un humain mais des dizaines de cars sont rangés là qui les attendent. Le trafic à été interrompu et les seuls engins qui campent sur la voirie le font moteurs coupés. Leurs conducteurs profitant de l’aubaine pour piquer un roupillon sachant qu’ils ne repartiront pas avant un bon moment. A perte de vue d’un côté comme de l’autre sur plus d’un demi kilomètre, le long serpent argenté se languit dos au soleil couchant. Même si l’on retire les tronçons d’Alcala qui mène à la M-30 et celui d’Atocha où les limites de la nature se fondent au paysage urbain rendant impossible tout stationnement, mais imaginant que sur l’autre versant, celui de Menéndez Pelayo ils sont au moins aussi nombreux, cela nous donne deux kilomètres au total de tôle, de ferraille, de plastique et de verre sommeillant repus tu trajet initial aux abords du parc. Le monstre pouvant contenir dans ses soutes jusqu’à 100.000 passagers. Pourquoi un tel monde? Je franchis les grilles du Retiro et déclenche mon chronomètre décidé à pulvériser mon propre record du tour! Les premières foulées sont énergiques et je dévore le faux plat jusqu’à la porte suivante. Je relève alors les premières traces d’humanité. A l’arrière plan, quelques hominidés sont plantés là en silence au milieu des cyprès. Plus je me rapproche d’eux et plus je constate que leur nombre est en fait beaucoup plus élevé que je ne l’avais entrevu. Il en vient de partout, qui sortent des sous-bois, des allées transversales ou arrivent face à moi par celle que je martèle depuis quelques minutes. Sur la rue, de l’autre côté des barreaux un groupuscule s’agglutine autour du mégaphone brandit par un leader. Par son intermédiaire il diffuse un message auquel je ne comprends rien mais dont ils semblent ravis! [Il faut toujours dire à son public ce qu’il est venu écouter!] De quoi s’agit-il au juste? S’il avait grève des chauffeurs de transports en commun, ils auraient planté leurs bus au beau milieu des voitures ne se donnant pas le mal de les garer le long du bas-côté pour défiler à pied! Je continu ma course. J’aperçois une première pancarte, puis une autre et une troisième. Que disent-elles? Je l’ignore! Au fur et à mesure que j’avance la foule ce fait de plus en plus compacte, et je pourrai bien finir stoppé net dans ma progression! Adieux record! Je lis sur le teeshirt de l’un des manifestant « Droit à la vie », puis gribouiller sur des casquettes, des brassards, des stickers, le même slogan qui se répète. Le life motive c’est leur leitmotiv d’aujourd’hui et la raison pour laquelle ils sont là. Moi je suis ici par hasard! Si j’ai choisi ce lieu, l’heure en revanche n’a que peu d’importance, celle là ou une autre pourvu que je cours et me dépense. Laissant sur la gauche les militants à leurs revendications et la foule clairsemée des parterres à la française sur la droite à l’ombre de grands arbres qu’ils supplantent en nombre, mais dont ils n’ont pas la sagesse, [eux se foutent bien du tôlé des bipèdes mêmes s’ils sont massacrés par millions chaque l’année, le droit à la vie devrait peut-être bien s’étendre à tout ce que la nature compte de vivant] je gravis une petite pente à 15% qui m’attend à ce stade du parcours et redescend de l’autre côté du sommet dépassant un jardin pour enfants occupé par des adultes. D’autres contestataires sans doute au désordre établi, lassés de brailler, de piétiner ou les deux à la fois! Un groupe remonte vers moi avec tambours et fracas. Je suis seul, ils sont près de deux cent qui me distinguent sans me voir et moi qui ne voit qu’eux! Bras dessus bras dessous, main dans la main, en file indienne brandissant leurs banderoles comme si s’était des tomahawks. Quelques chérubins courent insouciants, d’autres plus petits impassibles se laissent pousser par des parents fiers comme jamais de leur progéniture. Des lycéens profitent de l’occasion pour désinhiber leurs passions à travers les revendications des grands qui se servent d’eux à leurs dépends. Suivant la jeunesse débordante, les grabataires constituent le gros du peloton qui me fait front. Un bataillon rompu et hors d’âge d’anciens cons battus venus prendre leur revanche! Ils sont en deuil. Leurs illusions s’en vont avec la vie qui leur échappe déjà. Emporté par mon élan, je fonce dans les premiers rangs sans distinction, percutant les aïeuls qui râlent, toussent et vocifèrent en essayant cependant de pas les envoyer promener dans les glaïeuls. Combien de vieux atteints de cataracte branlant du chef et de la canne sont là qui marchent dans le noir vers une mort certaine à laquelle personne pas même Dieu ne saurait les soustraire! Ma vitesse et le terrain pentu ne m’aident guère à me détenir, je m’excuse et leur crache des « pardons » insignifiants qu’ils n’entendent pas. J’esquisse des sourires forcés et je m’esquive comme je peux du troupeau hostile des ancêtres. Comme dans un rêve, je sens sur moi leurs bras tendus et leurs mains crochues qui voudraient me retenir. La tête me tourne, j’accélère pour leur échapper mais la foule trop nombreuse se referme sur moi. Je me réveil soudain, mes remords du début sont devenus des reproches. Plus de compassion et je maudis ce foutu public de nantis venus exhorter leurs filles à ne pas avorter! Ce prétendu droit à la vie qu’ils revendiquent prend des airs d’oraison funèbre! C’est un message divin qui vient de l’au-delà colporté par l’Eglise et le Parti Populaire! Et comme dans les heures sombres de l’Espagne, l’ombre du général plane sur la Porte d’Alcala! Ils sont des dizaines de milliers réunis derrière une bannière à la con, un leader politique ou religieux pour dire ensemble « non à l’avortement» ! On se croirait revenu trente ans en arrière! Dans quel pays moderne, la femme devrait elle enseigner sa carte du parti ou son faire part de baptême à celui ou à celle qui pratiquera sur elle une « intervention volontaire de grossesse »? La douleur n’est-elle pas déjà suffisante en soit qu’il faille lui ajouter l’humiliation publique! Car entre nous je ne pense pas qu’aucune femme n’est recours à ce moyen extrême sans avoir préalablement évalué pleinement les conséquences de son acte. Mais si c’est là le seul remède, doit-on les en priver? Ce choix leurs appartient. De plus, il n’est d’enfant heureux qui ne soit désiré. Alors, laissons la vivre, triste mais soulagée. Une vie bien vécue valant largement celles de deux malheureux! Laissons la politique et la religion dans les urnes, loin des hôpitaux et des tribunaux et ne jugeons pas ces pauvres malheureuses déjà blessées dans leurs chairs et meurtries dans leurs sentiments. L’avortement n’est pas un meurtre et sans l’encourager on doit le comprendre et l’accepter. Qu’il soit un droit reconnu évitera l’avanie de celles qui auront recourt à lui afin de poursuivre leur vie. Sacrifier une vie à venir pour en sauver une autre déjà là et qui n’est pas toujours si facile! La manifestation d’aujourd’hui est bien sûr fortement politisée. Les représentants du P.P. et de l’évêché sont en bon place au milieu d’une cohorte de conservateurs et de fondamentalistes de tous poils qui curieusement s’opposent à ce qui pour moi est un droit fondamental, le libre arbitre! Il ne manque que les uniformes pour mettre fin au triste cortège. Les policiers qui sont là qui se montrent discrets et patients. Ce soir ils sont de garde et le match devra se jouer sans eux! Les bourgeois de Salamanca sont descendus des beaux quartiers pour se joindre à la mêlée et donner leur appuie inconditionnel au droit à la vie à tout prix! Chemises rayées et pullovers jetés négligemment sur les épaules, la raie sur le coté [celle des cheveux, l’autre je pense qu’ils l’ont au milieu comme les miséreux], ils tirent leurs moitiés soumises bien fagotées et bien roulées et insufflent à leurs ribambelles de bons aryens les préceptes d’une idéologie dépassée. Les jeunes chiens à la botte d’un maître de maison autoritaire gambadent sans se salir la corde au cou, et jouent songeant à cette enfance qui s’enfuit les rapprochant chaque jour un peu plus de l’adulte imbécile qu’ils seront! Ils représentent la génération montante, celle là même qui si l’on n’y prête pas attention d’ici quelques année prônera les même aberrations machistes que leurs pères. En les voyant, je me dis que leurs génitrices eurent été inspirées de se les faire passer plutôt que de mettre bat cette nouvelle génération de larbins serviles tout acquit à la cause [qu’on m’explique laquelle] et à une vie sans joie étayée de règles et de principes à la morale scabreuse! Quelques coups d’épaules plus loin, je suis en fin débarrassé d’eux et remonte le long d’Alcala sans tonus mais heureux. Les efforts lâchés dans ma course et les insultes pour me défaire des vieux bravaches m’ont épuisé. Heureusement dans ma fuite, j’en ai tout de même bousculé quelques uns. Gentiment, l’air de rien, évitant de les envoyer valdinguer culs par-dessus tête dans les buissons charnus. Néanmoins demain ils repenseront à moi quand ils soigneront leurs bleus! Comparés au mal de nos âmes tordues, les maux du corps n’en sont pas! Attaquant la montée qui conduit à l’immense tour de béton veillant sur Principe de Vergara, en cet instant j’ai honte pour eux. Je suis fier de ne pas être des leurs ni espagnol. Derrière moi gronde la discorde d’un peuple d’ignorants, incapables de savourés la chance qu’ils ont de vivre dans ce si beau pays qu’ils déshonneur de leurs clameurs injustifiées! Le spectre du passé est tout près qui survole leurs têtes chenues, il bat de l’aile et se débat dans le ciel tourmenté d’une Espagne qui se voudrait démocratique. La démocratie, c’est l’éloge de libre pensée. La liberté de culte et celle de ne pas en avoir, le droit d’être inculte ou un con sans que cela n’affecte en rien les autres qui le sont tout autant sinon plus. Bref, les soit disant valeurs de la République feraient du bien cet état monarchique poussiéreux. La transition se fait à pas lent et elle n’est pas encore terminée! Je cours dans le crépuscule vers l’avenir par le chemin sinueux de la liberté. La route est mal éclairée, à peine balisée, je pourrai bien m’y perdre si je n’y prenais garde. Par chance je la connais, deux ans que je foule chaque centimètre carré de ce vaste jardin pour oublier mon passer et me refaire une santé. Sur la terre battue qui courre le long de Menéndez Pelayo, je retrouve une cadence et une respiration normale. Contrairement aux autres fois, je n’accélèrerai pas mais tenterai de conserver mon rythme. Les autocars envisagés sont bien là, qui sommeillent et attendent le retour des grognons pour les rapatrier dans leur foyers. Bon voyage, et surtout ne revenez pas! C’est le pire visage de la péninsule qu’il nous est donné de contempler aujourd’hui, arrangez vous pour ne pas récidiver! Dieu et le Diable se battent sous le même drapeau pour des idées opposées. Les toubibs se substituant au sal boulot des pélicans pour vider les entrailles de mères porteuses de leurs fœtus indésirables. Je croise quelques dealers subsahariens. La police est là qui ne fait rien! Aujourd’hui les délinquants, les nuisibles à la société et à l’image du pays, ceux qui pourraient bien commettre d’autres forfaits que d’avoir dépassé la cinquantaine ou d’essayer de penser avec leur viscère rabougri sont blancs comme neige du moins en apparences. Eux au moins, peu de chance qu’ils s’enfuient si un agent venait à leurs demander de lui présenter leurs papiers d’identité. Séniors et Seigneur main dans la main pour le meilleur du pire! Pour que des portés de bâtards, enfants illégitimes non désirés viennent piller les caisses de la sécurité sociale déjà en déficit. Soyons sérieux! De là à imposer un quota comme les chinois je ne dis pas, mais laissons au moins aux futurs nouveaux nés le maximum de chances de leur côté. Donnons leurs des parents aimants et démonstratifs qui chaque jour leurs diront combien ils les ont voulus, les couvrant d’attentions simples mais nécessaires. Les premières feuilles de l’automne craquent sous mes semelles et forment un tapis qui amorti mes pas aux abords d’Ibiza. Avant d’obliquer vers la piste de patinage, je jette un coup d’œil à ma montre. En retard sur mon temps ou peut-être bien en avance, les pensées dispersées et les membres en discorde, je tente d’augmenter la cadence. Lutant pour gravir une place au sein de mon propre classement. Du style et le rendement s’améliore petit à petit mais il est déjà trop tard! Je longe une seconde ère de jeux désertée, le toboggan ne recevant que la pluie des pies et pigeons perchés dans les marronniers qui le bombardent de leurs fientes. La merde des bambins et de leurs couches trop pleines, ce sera pour demain! Plus loin, un petit parc est enfermé dans le premier! Je n’ai jamais bien compris, peut-être pourrez-vous me l’expliquez? Pourquoi dans un jardin déjà clôturé quand celui-ci en abrite un autre plus petit, sur le pourtour de ce dernier une seconde cloison est édifiée bien souvent identique à la première? Dans tous les cas, grilles ou simple parapet me paraissent idiots quand un simple trait à la craie ou une bordure de fleurs suffirait à indiquer que l’on pénètre dans un nouvel espace. Les jardiniers paysagistes s’ils manquent d’idées ou les moyens de mettre en œuvre les extravagances de la direction générale des parques et jardins ou son alter égo ici. Devant une telle aberration architecturale, que dire? Bientôt ils nous mettront des barbelés pour nous guider en rangs serrés vers les sorties et le Buen Retiro redeviendra le domaine seigneuriale qu’il était! Sécurité accrue pour dissiper toutes velléités d’occuper plus qu’il ne le faudrait l’espace public. Le paon royal qui passe au travers des barreaux n’a que faire de ces délimitations établies par et pour nous! Ces limites sont celles de notre manque d’imagination. Je me détends l’esprit et les muscles en contemplant l’immense dalle où pas un patineur n’est venus user ses roues. Qu’il est agréable de courir ainsi sans but, sans ligne d’arrivée à franchir ni adversaire à doubler. La société voudrait bien nous voir tous nous entretuer, c’est pourquoi je m’indique aujourd’hui de constater qu’ils n’ont toujours pas compris que nous avons en nous les armes pour la changer. Peut-être feraient-ils bien de relire la bible et d’en retenir quelque chose. Pour ma part je garderai ceci: « Pardonnez leur Seigneur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». S’ils le savaient ils n’auraient plus d’excuse de continuer à agir de la sorte. Un patineur me coupe la route qui vient contredire mes pensées. J’arrive au bout de la piste et lui, chaussant une paire de vieux patins à quatre roues d’un autre temps n’est qu’au début. Il s’en va rouler sur l’asphalte et disparaitre dans la nuit précoce. Je slalome entre les massifs de plantes. Un petit escalier et c’est l’ère réserver à nos amis les bêtes. Les chiens du quartier viennent ici décrotter leurs articulations en remplissant de grottes ce lieu conçu pour eux. Non que je n’ais quelque intention de gratifier Madrid de déjections sortant de mon colon. J’arrose déjà assez allégrement les arbres du quartier de mon urine et si mon flair était meilleur je pourrai reconnaitre et vous dire ces ruelles où je suis passé. Je gravis une allée goudronné abrupte pour déboucher sur le terrain des amandiers. En cette période de l’année, plus un fruit mais encore quelles feuilles persistantes habillent les branchages tortueux. En petites parcelles, l’esprit humain aime à délimiter et à tout contrôler, ils attendront le printemps, les premiers rayons du soleil et les promeneurs venant chercher leur ombre et le confort du matelas gazonné où ils ont été plantés. Siestes défendues dans la chaleur de l’été, tatamis pour sportifs en mal d’entrainement ou venu sécher là leur abatis au cours de longues séances d’étirements, piqueniques familiaux, lectures solitaires et comme toujours de l’autre côté d’une haie de buis pas bénit pour un sou le revers de la médaille de notre société corrompue. Mains au panier d’où l’on n’extirpe aucune denrée sinon juste de quoi vivre et se sustenter. Echanges sexuels, fellations et trafics en tous genres sont monnaie courante de ce jardin d’Eden ou la perversion se pratique au rythme des saisons. Loin de s’élever vers les cieux, l’homme se complait et s’enlise dans un substrat glaiseux qui lui colle à la peau depuis la nuit des temps. Dans la grande descente vers Atocha, je trotte comme si j’avais un train à prendre. Le miens est parti depuis bien longtemps ou n’est jamais arrivé. [Perdu dans un hall de gare immense, j’avance à pas perdus et m’égare…] L’énorme station ferroviaire bourdonne au loin et je m’écarte de son chemin, respirant à plein poumons, mes jambes moulinant comme une locomotive. Je reprends un peu du temps perdu. Après la guérite du gardien, c’est la dernière ligne droite. Les autocars sont partis. Il me faut faire vite, moins d’une minute pour avaler les deux cent derniers mètres et gagner la sortie qui couronnera mon arrivée.       

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