Personnalité

Au fil des années je me suis peu à peu « construit » cette personnalité qui aujourd’hui énerve autant qu’elle séduit. Arrogant et cynique, tout en ayant (malgré mes efforts répétés pour les chasser) su préserver quelque chose de ce doute, de cette fragilité qui habitèrent mon enfance. D’adulte prématuré en culottes courtes à sale gosse effronté mais habile sous mes oripeaux d’homme accompli encore jeune d’apparence je n’ai fait qu’inverser les tendances. Hier encore peureux, on craint à présent plus qu’on ne respecte mon caractère changeant comme l’orage et ma verve cinglante parce trop longtemps refoulée. J’ai appris parmi les « grands ». Mes camarades de jeu étaient les amis de mes parents. Tant de soirées à les écouter bavarder. Essayant de comprendre ce qui m’attendait plus tard. (En silence, je me préparai déjà !) M’inventant des dénouements à leurs histoires tragiques de grandes personnes. Combien de cas d’inexplicables ruptures, de tromperies, supercheries et vacheries en tous genres, d’adultères en série voulus ou non entre deux otites parvinrent à mes oreilles. Mensonges tantôt cupides, parfois stupides, adroits ou gauches légitimant de notoires trahisons. Blessures faites à l’autre sans raisons apparentes, juste pour tenter d’enrailler le mal de leurs vies douces et amères vinrent se casser les dents devant la cheminée dans des débats sans fin. Assis dans mon coin, j’assistais contemplatif au navrant spectacle de la « comédie humaine ». (Et quand la maison était vide, ces rares soirs où subitement nous n’aurions su que dire, il y avait les débats télévisés pour les substituer… Le Grand échiquier, Apostrophe, les Dossiers de l’écran et puis plus tard, Droit de réponse.) Les gamins de maintenant ne regardent plus le petit écran (par ailleurs devenu grand) ils en sucent le contenu comme des moustiques pomperaient la nuit venue le sang coagulé d’un cadavre. Des images colorées sans message émises en boucles arrivent directement à leur petit cerveau par wi-fi, remplissant les vides d’un enseignement de seconde classe. Ils utilisent la télé pour brancher des appendices virtuels à leurs corps gras, chassant leurs démons en annihilant mutants et autres zombies. Gymnastique intellectuelle et exercices physiques étant exempts de leur existence de gamers sur-vitaminés aux organes riches en graisses saturées. Quand on grandi seul, on lute contre soit même. Je me souviens de ces tours de piste, poursuivant dans l’hiver des adversaires imaginaires. De sauts en longueur ou faute de mieux je ne battais que mes propres marques. De parties de tennis ou le mur rempli d’imperfections au bout du square de l’impasse voisin me renvoyait la balle avec tel ou tel effet coupé ou slicé imprévisible. J’ai toujours été doué pour le sport et les arts en général car je crois au « dépassement de l’être». Les barrières, limites et limitations, le moral ou politiquement correct selon telle obscure pensée ou son de clocher, je laisse cela aux médiocres qui pullulent et répandent leur manque de convictions aux quatre coins du globe. Bien peu soucieux qu’ils sont d’apporter leur pierre à un édifice commun, ils jalonnent leur propre chemin de cailloux pour ne pas s’en éloigner. Libres à eux d’évoluer semi-captifs dans de pauvres remakes d’Orwell dont ils écrivent les pages, les vrais esprits affranchis disparaissant au fur et à mesure que notre civilisation aveugle avance vers le néant.