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Le blog littéraire de Cedric Josse
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  • Ce blog mélange récits, expériences personnelles, analyses et critiques de la société le tout ponctué de commentaires sur l’actualité nationale/internationale. Este blog mezcla relatos, experiencias personales, análisis y critica de la sociedad.
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22 septembre 2015

Chronique d'un mardi matin

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Visite matinale a la Poste où bizarrement (pas tant que ça en y réfléchissant un peu) je suis dorénavant le seul client ! C’en est fini du suspens et de ces longues minutes d’anxiété à contempler une queue grossissant à vue d’œil devant une porte résolument hermétique en attendant que « ces Messieurs » (pas toujours ponctuels d’ailleurs) veuillent bien ouvrir aux manants les bras chargés de cadeaux l’entrée de leur forteresse. (Il fallait vraiment être « timbré » pour accepter ce supplice.) Aujourd’hui les anciens facteurs se sont reconvertis dans la banque pour spolier par d’autres moyens de leur invention ce que les guichets désertés ne rapportent plus. La jeune femme qui se tient debout devant moi, plaquée derrière l’unique pupitre du lieu (là aussi il y a eut du remaniement) rentre tout juste d’Espagne.

- Vous revenez d’Espagne, moi j’y habite ! (Crus-je bon de lui dire histoire de briser la glace.) Et vous étiez où ? 

- A Salou !

Je fais une moue qui dissimule mal ma déception.

- Je rêvais d’aller à Port Aventura. (Me rétorque-t-elle avec aplomb.)

Pire encore !

- C’étaient des vacances un peu « touristiques » ? Osais-je encore ajouter avant de confesser que j’avais moi même vécu cinq ans à Barcelone, ce qui la laissa complètement indifférente. Elle avait pourtant bien dû passer par le Prat de Llobregat avant d’aller rejoindre sa province Tarragonaise pour « s’envoyer el l’air » avec Woody et toute la clique de son parc à thème. Quel sal univers !

Au Starbucks de Censier, juché sur un tabouret en bois dur j’entreprends la lecture d’un bouquin sur Vladivostok et analogie du destin ou simple caprice de la nature j’entends parler russe au même moment tout près de moi. C’est fou ce qu’ils y a de ruskovs à Paris ! Nouveaux riches, anciens paysans aux épaules herculéennes ou étudiantes s’improvisant putes (à moins que ce ne soit le contraire), ils ont tous laissé derrière eux leur taïga natale pour venir conquérir Lutetia. Installés au milieu des vieilles pierres pour certains tandis que d’autres ne marqueront qu’une pause le temps d’une escale shopping et afin d’abreuver leurs jets soiffards à l’excès de bon kérosène français ! Ils ont troqué les neiges des grands hivers boréals pour la pluie fine de l’automne, les flocons pour un peu de chantilly industrielle.

Le ballet des bus (sortes de grosses sauterelles luisantes) avançant rétroviseurs en avant à l’affut d’une tête à écharpée se joint à celui d’autres véhicules glissant sur la chaussée humide de ce mardi matin, notamment aux camions de la Propreté de Paris qui balaient eux les restes de morceaux de vie échoués sur le pavé. Une bruine légère empêche le bitume de sécher complètement, obligeant les piétons à longer les façades pour ne pas trop se mouiller. Les hauts-vents déployés des devantures font office de parapluies mais ne peuvent rien pour les souliers pas toujours imperméables et on se mouille les orteils. (Là encore les habitudes ont changés, terminé l’invasion des pébrocs à la moindre goutte.)

Sur le trottoir d’en face, coincé entre un chinois et un cambodgien (des restos) un vigile rassure les fossiles vivants qui entrent et sortent de la bijouterie-joaillerie dont il est le cerbère. Costume noir, chaussures de villes, pas des baskets ni de grosses pompes de sécurité mais l’incontournable brassard orange enroulé autour d’un biceps timide indiquant quand même « qu’il en est » ! Juste pour le cas les viocs du quartier tenteraient de se mutiner ou essaieraient de resquiller la nouvelle pile de leur montre à quartz (déplorant ce temps où les aiguille avançaient toutes seules, enfin presque). Sa ressemblance avec Tim Robbins me frappe d’emblée.

Je ne sais pas comment vous vous imaginez un gars qui bosse dans la surveillance mais pour ma part et sans tombé dans le cliché « grand noir » ou « gars de l’est » au crâne rasé, je ne l’aurai pas vu comme ça moi le portier idéal ! Pensif, l’œil rusé et l’air assurément désabusé il scrute rêveur l’horizon restreint qui s’étant devant son magasin (et viens buter contre la vitre du Starbucks derrière laquelle je siège). Je dois avoir le même regard détaché depuis son poste d’observation. La velléité de monter à bord de l’un de ces bus en partance pour nulle part le tiraille t’elle sans doute ? L’arrêt est juste là, à deux pas ! N’avais-je pas moi-même de nombreuses fois songé à emprunter l’une de ces « navette » à la destination incertaine ? Un aller simple pour l’oubli ! Cette solution en valait bien une autre pour se soustraire à l’écrasante réalité de nos existences sans joie. Pour corrompre le quotidien, vriller sa destinée et en finir avec la routine… La camisole qui nous sert de chemise, la geôle qui nous tient lieu de maison !

L’unique différence entre lui et moi c’est qu’il n’a peut-être pas le choix alors que j’ai sciemment décidé d’être ici ! Je suis venu de mon plein gré, aussi bien à Panam que dans cette foutue cafète ! Demain, après-demain ou un autre jour… D’ici une semaine, peut-être deux ? Dans un mois au pire… Je reprendrai la route, taillant mon chemin à la hache parmi les ombres. Laissant derrière moi ce Paris poissard avec sa grisaille et son goût prononcé pour la fatalité. Tim Robbins impassible continuera d’exercer son job avec courage, « se faisant quelques petits films » de temps à autres sous les projos de sa vitrine, s‘inventant une vie meilleure ou souriant impuissant à sa situation et à celle du monde défilant devant lui. Car après tout, le bonheur ne réside t’il pas dans les choses les plus simples ? (Même la banalité d’un matin gris fût capable d’engendrer ce petit texte. Quelques mots pour luter contre nos maux internes.) Seuls les russes d’après l’auteur que je lis aujourd’hui (et les ricains, d’après moi) sont incapables de voir dans la simplicité l’une des clés de la félicité.

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