Lennie (Fragment)

Je ne savais pas trop chez qui se déroulerait la soirée, on m’avait juste mentionné deux filles dont une que je connaissais vaguement, une américaine, une texane pour être précis quand à l’autre fille, c’était je crois une fille des pays de l’est. Elles partageaient toutes deux un grand appartement dans le centre ville. Un ami m‘avait invité la veille à l‘accompagner. Si la soirée tenait ses promesses, on allait s’en payer une bonne tranche! A en croire le pote qui m’avait mi sur le coup, il y aurait plus de filles qu’il n’en fallait et de quoi boire jusqu’au bout de la nuit pour ceux que les filles n’intéressait pas. Moi, ça tombait bien, les deux m’intéressaient! J’avais fait un effort de présentation tout particulier. S’il est vrai que je néglige certains aspects de ma vie, je mets un point d’honneur, mes amis vous le diront, à soigner mon image, surtout quand je vais dans le monde. De cette sophistication poussée à l’extrême dépendra en partie le bon déroulement de la soirée. Car c’est bien dans les premières minutes que tout se décide! Que les trames se mêlent et s’entremêlent! Que les destins, bien que précaires se font! Après, c’est trop tard! Vous êtes refait! Renvoyé par un autre plus habile au rôle subalterne de témoin et au cossu canapé que vous n’auriez jamais du quitter. Là, pour vous amoureux la gente féminine, commence une toute autre soirée! Celle des vaincus, celle de ceux que les filles n’intéressent pas et réciproquement. Vous devrez vous prêter malgré vous aux jeux de pauvres types, devenant leur intime même s’il est connu que les vraies amitiés se forgent dans le temps! Vous feindrez de prêter à leur discours puéril parfois machistes et toujours ennuyeux l’oreille attentive qu’ils attendent en retour de l’amitié poissarde qu‘ils vous témoignent! Contemplant avec tristesse de la moiteur de vôtre coussin cet autre qui se pavane au bras d’une fille qui serait mieux au vôtre. Voilà pourquoi je m’arrange généralement pour me faire remarquer d’entrée de jeu par quelques beaux spécimens du sexe faible, ce n’est pas moi qui le dit! J’aime qu’elles me dévisagent avec envie et plus même, à mon arrivée. Il ne me restera plus par la suite qu’à faire mon choix et repartir avec l‘élue! Je me préserve ainsi des déboires alcooliques et la verve mélancolique d’esprits rotors épris de boisson faute de mieux! Tout s’annonçait dont pour le mieux dans le pire des monde, sachant que l’autre avait périclité au sortir de l’adolescence et parachevant les derniers détails qui selon moi devaient m‘assurer le succès de ces dames, je fis une ultime intrusion dans ma salle de bain. Je contemplais l’image difforme mais au combien plaisante que me renvoyait le miroir encore tout embué des vapeurs de ma récente toilette et, empoignant le flacon de Jaipur sui trônait sur la tablette située en dessous je m’en vaporisait quelques bonnes salves au creux du coup. J’en était à ces ultimes préparatifs quand on sonna à la porte! "Driiiingggg!!!"  C’était toujours la même rengaine, il suffisait que vous soyez occupé ou pressé, pour qu’un emmerdeur vous téléphone ou pire se pointe à l’improviste. Je détestais cela! Je me tâtais déjà pour ne pas répondre, m’attendant à quelques mauvaises surprises du genre, un ami qui passait dans le coin par hasard et avait cru bon de vous gratifier d’une visite surprise! Ou, la scène d’une ex petite amie à qui vous aviez fait mille promesses même celle de l’aimer quand vous n‘en vouliez au fond qu‘à ses fesses! Qu’avaient-elles donc toutes invariablement à fomenter de sacro-saints projets d’avenir quand le vôtre unique était plus immédiat ! Mais non! C’était bien pire que tout cela réuni! De tous les fléaux qu’avait connu ma courte vie celui-ci était de bien loin le plus calamiteux! Je venais de reconnaître au travers de la porte à son souffle coupé et au son rauque de sa toux sèche mon pote Lennie! Là c’était sûr, pour le coup, je n’allais pas répondre!