Datcha

Elle n’était pas au fond des bois, mais sur l’avenue la plus passante au monde, dans la ville la plus visitée, la ville lumière, même s’il ne lui reste plus qu’un halo chétif des feux du passé. Elle semble éteinte, endormie, comme si elle attendait impassible le retour des allumeurs de réverbères. Une pluie fine balayait la chaussée, les arbres centenaires mourraient peu à peu et un sable n’ayant jamais senti sur lui la caresse des embruns tapissait les jardins chargés de nitrates qui allaient l’accueillir pendant un mois. Toute petite, d’une blancheur immaculée, flanquée d’un pavillon elle attendait paisible que les réjouissances commencent. Plantée là au beau milieu de cette voie royale qui ne voyait plus défiler que les militaires et les touristes par centaines de milliers. C’était la raison de son implantation, les touristes et leurs devises! Peu importe la quelle, euros, dollars, roubles, tout était bon à prendre, telle était la devise! Durant quarante jours et quarante nuits, j’allais vivre au son trébuchant de l’écu, trônant comme un pacha dans ma datcha. En savant négociant, ne travaillant qu’une fois l’an, j’allais me remplir les poches en vidant celles des autres! Peu importe le produit et peu importait le prix, je vendais du rêve bon marché pour touristes fauchés. Pour qu’ils puissent repartir heureux, rentrer chez eux en disant: « Je l’ai acheté sur les Champs! » Surtout les étrangers, « les Champs-Elysées » ça leur fondait dans la bouche! C’était un adultère, ils auraient péché, croqué dans le fruit défendu, et c’était moi le primeur que le leurs vendrait! Dans ce paradis sur terre auquel voulait nous faire croire noël, je multiplierais les « pains » et chacun s’en retournerait avec son petit cadeaux, son petit souvenir, son petit présent, pour ce collègue, ce proche ou cette maîtresse restée là-bas. « Au pays où il ne pleut pas. » Et si le soir venu, le vieux grincheux leurs faisait faux bon, il ne passeraient pas pour des cons! Sait-on jamais? Et puis la Norvège ça fait loin! Tous les ans, année après année, ce coltiner le même trajet, le « vieux » commençait à se fatiguer. Noël, c’était la chianlie! Et si les rennes étaient malades? S’ils avaient la diarrhée! Il avait beau les vermifuger, rien n’était garanti. Les lutins eux aussi rechignaient à travailler les jours fériés, depuis les trente cinq heure, c’était plus comme avant. Alors autant céder une part du marché en sous-traitance. A des gars qui connaissaient le terrain, des gars comme moi! Je tenais les rennes d’une main ferme et mon traîneau affichait dans son forfait le kilométrage illimité. Le vieux poivrot pouvait réveillonner tranquille, tous ceux qui passeraient par mon stand auraient de quoi fêter le vingt-quatre décembre dignement. Bien sûr je n’étais pas philanthrope, je devais rembourser les dix mille euros du chalet. A deux pas du Grand Palais, mon petit palais à moi était prêt! Tout en bois, en rondins de sapin venus des pays de l’est, assemblés et peints par des mains rugueuses de la même provenance qui ne répondaient pas aux ordres en français mais comprenaient qu’il fallait faire vite pour construire ma datcha.

Comments

[cyril]

y'a plus moyen de laisser des commentaires ou quoi ... (je viens d'essayer mais ca a foiré, pardon pour le language...bordel)

Je disais: bonne année - joyeux noel - et tout ca !

Je vois que tu as une cyber-admiratrice, felicitation !

PS: 10000E la semaine sur les champs ?, t'as du cartonner mon cochon !!