Bestiaire

Si je ne disais rien, me taisais, ce n’est point que je n’avais rien à vous conter. Simplement je dormais! Je faisais ma sieste hivernale et reposais mes méninges. Si je vous ai certes promis d’être plus incisif, plus tranchant cette année, en attendant de tailler en pièces mes semblables et de planter dans leurs chairs moles mes crocs acérés, permettez-moi pour l’heure de laisser de côté mes rancœurs et de démarrer ce blog plus léger que je ne l’ai quitté. (Ne me croyez par pour autant finit ni groggy par le silence et le froid polaire de ces dernières semaines!) Vous pouvez donc baisser la garde et me lire tranquillement, prélassés au fond de votre gros Chesterfield ou assis de côté sur l’inconfortable fauteuil de bureau qui vous a été alloué! Pour maintenir la toute récente quiétude accumulée, curieusement, au cours des semaines passées à Paris, j’ai décidé de m’inscrire, de retour au bercail et ce sera là l’une des premières bonnes résolutions de ce début d’année à des cours de hatha-yoga afin de pratiquer l’art de la relaxation psychocorporelle plusieurs fois par semaine. Le yoga est un sport de femme me direz-vous? Bien! Voilà précisément l’autre raison qui orienta mon choix! En plus de tenter de maintenir le fragile équilibre, l’harmonie imparfaite qui règne entre mon corps et mon esprit et qui s’en va dès qu’elle le peut, je pourrais en même temps et pour un prix unique satisfaire à ma libido galopante! C’est ainsi que mes pas me conduisirent tout naturellement jusqu’à la calle Serrano et la Porte d’Alcala toute proche et par laquelle je pourrai toujours m’enfuir si les séances de yoga ne correspondent pas à mes attentes! Au Yoga Center, je suis reçu par Luz qui éclaire ma lanterne sur le sujet. Un coup de fil si je veux réserver et ma place sera retenue pour la session suivante à laquelle je ne doute pas que participent quelques jolis spécimens. Derrières le stupre et les dorures, les murs orangés, sous les lumières tamisées et les regards complaisants de Shiva et Ganesh qui gardent la place, je suis bien certain que les parquets lustrés accueillent quelques beaux corps galbés qui étirent leurs longs muscles dans les positions les plus affolantes. Me direz-vous encore que le yoga n’est pas un sport d’homme? En tous cas il semble qu’il soit pensé pour nous! Tandis que je converse avec la réceptionniste, je les imagine déjà toutes autours de moi, ces créatures, s’offrant sur l’autel du sacrifice pour mieux se régénérer par la suite! Je me rappelle cette statue de Ganesh que j’avais désespérément cherché sans ne jamais la trouver et que je voulais acquérir pour mettre bien au chaud dans la niche de mon salon. A côté de la fenêtre et juste au dessus du bar pour qu’elle pu se réchauffer au cas où des courants d’air sournois n’entrent dans la pièce! L’espace restreint et dépourvu de recoin de mon séjour actuel ne me fait pas trop regretter cet achat manqué! Vous voyez, si le sale cabot que je suis ne se sentait pas trop en forme aujourd’hui pour fustiger les foules, le bestiaire fut quand même dignement représenté par ce Dieu trompeur auquel j’ai volontiers céder ma place!