Hécatombe

Comme les morts de naguère, morts à la guerre, tombés sous les balles ennemies d’adversaires invisibles aujourd’hui encore les corps tombent sans raison apparente. L’hécatombe se poursuit en toute tranquillité. Loin des bombes, bien au chaud à la maison, la mort nous surprend au coin du feu. Je m’étonne de son spectre qui plane sur nos têtes comme une fumée blanchâtre, se dissipant et revenant chaque fois plus forte et plus déterminée. On est en vie et puis l’instant d’après tout est fini ! Un coup de téléphone nous apprend la mauvaise nouvelle de ce parent parti pour le néant. Par S.M.S interposé, c’est une sœur qui s’en va ou un père que l’on ne reverra plus ! Tant mieux s’il on en avait profité avant, dans le cas contraire il faudra se contenter de rêver de ce qui aurait pu être et ne sera jamais.

Dans ma proche famille tous ont déjà été emportés. Fauchés comme les blés par les mâchoires implacables du temps. Leur existences broyées et la mienne peu à peu qui s’effrite avec leur disparition. La moisson a été fructueuse, morts et enterrés ou bien partis en fumée, je suis le dernier survivant et cette pensée, loin de me réconforter m’obsède, car étant le dernier, je serais également le suivant sur la liste! (La mort en héritage, vous parlez d’un cadeau !) Peu à peu les lignes de défense tombent et la partie que l’on croyait interminable au commencement se raccourcie dangereusement pour bientôt devoir se résumer à un lancé de dés hasardeux. (Inutile je crois de préciser que les dés sont pipés !) A la grande question, mourra, mourra pas, on connait la réponse depuis longtemps. Encore quelques assauts et s’en sera fini, une autre vie sera balayée ! La mort en soi est un échec à l’entendement. Une insulte à l’intelligence humaine. Une grande claque dans la gueule qui nous ramène subitement au rang de mammifères nous qui avions eu l’imprudence de nous prendre pour des dieux !

Si tous et chacun d’entre nous meurt à coup sûr et pour rien, la majorité et c’est encore plus triste n’aura pas vécut pour grand chose! Héros anonymes passés comme des comètes à la surface de la Terre que personne ou presque n’aura connut ou côtoyé, sitôt morts et sitôt oubliés ! Combien de destins tragiques ne défrayeront jamais la chronique des journaux parce que leurs protagonistes bien trop humbles pour réclamer les gros titres auront préférés vivre et mourir en silence. Quand je pense à tous ces gens que j’ai croisé qui ne sont plus, j’ai de la peine pour eux et puis c’est un peu normal pour moi. Parce qu’ils m’ont laissé les mains vides, mal préparé, sans outils adéquates pour affronter l’existence difficile. Je leurs dédie cette petite chronique, pour tout ce qu’ils m’ont apporté, enseigné et donné sans parfois le savoir. Je conserve en moi leurs visages, leurs petites phrases et leurs bons mots pour soigner les miens incurables.

J’ai la chance d’être encore là, sain de corps et d’esprit, pour témoigner, leurs témoigner, ma gratitude pour ces années passées à leurs côtés, vu que de leur vivant, trop pudique je n’ai su le faire.

Comments

[Laurent]

...PENSEES...

[Béa]

Je viens de lire ton article CEDRIC, et je ne peux que trouver ça tellement vrai, nous avons un peu des parcours semblables..........
Ca me fout des frissons tes paroles!!!!
Gros bisous à toi.