Réplique
- Si votre mère eut été ma maitresse, voilà qui ferait de moi votre père, son esclave, ou peut-être les deux !
- Mais enfin Monsieur, si vous ne connaissez pas maman.
- Non, mais je connais les femmes !
- Moi aussi j’en suis une !
- Ah non pardon ! Vous, vous n’êtes encore qu’une enfant !
- Et ça ! (Rehaussant sa poitrine.) Seraient-ce là d’après vous les attributs d’une enfant ?
- Ce ne sont pas ceux d’une femme du monde en tous cas !
- Et puis va… Si vous bouder mes avances, d’autres seront moins réticents.
- Je ne suis pas réticent. Je suis inquiet !
- Inquiet ?
- Inquiet en effet… Car si c’est ainsi que vous abordez une entrevue, vous jetant au cou de premier inconnu !
- Mais vous n’êtes pas un inconnu.
- Certes, mais vous ne me connaissez pas. (D’un ton plus bas.) Et moi non plus d’ailleurs…
- Mais je sais qui vous êtes !
- Vous croyez le savoir, ce qui est pire pour ne pas dire vaniteux.
- On dit de vous…
- Ah, ce que l’on dit de moi… De doux mensonges, des propos colportés, de la flagornerie de bas étage qui n’encenserait pas même l’égo d’un sot !
- Et les journaux, ils mentent alors ?
- Les journalistes sont des critiques. Et je remets en cause leur jugement. Ils flattent leur lectorat pour avoir ses faveurs et vendre leurs sales papiers. Pas un acteur digne de ce nom n’en ferait autant ! Ils n’écrivent qu’afin que le pauvre bougre qui va au théâtre en ait pour son argent ! Pas pour l’instruire, le rendre intelligent et encore moins savant, ni en faire un Don Juan !
- Mais vous, vous en êtes un !
- Un savant ? Je ne sais que ce que j’ai appris !
- Non, un Don Juan !
- Il s’agit là d’un don ! La bagatelle ne s’apprend pas dans les livres !
- Et bien moi, j’aimerai être comme vous !
- Impossible !
- Et pourquoi cela ?
- Parce que la nature vous a fait autrement !
- Vous parlez de mon physique ?
- En effet, c’est bien à votre anatomie que je me référais.
- Il faudrait apprendre à voir sous les voiles.
- Oh mais je vois très bien cette Armande qui se penche au balcon !
- Je donnerai ma vie pour une scène !
- Et si vous commenciez par la scène ! Pas à moi naturellement mais devant un auditoire qui n’aura d’ouïes et d’yeux que pour vous, je vous le garanti ! Au reste défunte ou feignant de l’être, c’est la comédie que vous serviriez et non l’art dramatique !
- Alors, vous me donnez une chance ?
- Pas encore ! Disons que je vous offre une audience.
- Vous ne serez pas déçu !
- Vous, peut-être que si !
- Ça m’étonnerait !
- Je ne serai pas surpris quand à moi. Vous m’avez l’air d’une bonne fille, sincère mais votre visage angélique cache les traits d’une innocente ou ceux d’une petite insolente, je ne sais pas encore !
- Innocent, qui l’est ?
- Personne ! Ceux qui le furent jadis, sont aujourd’hui au cimetière !
- Et quand devrai-je me présenter ?
- Je croyais que les présentations avaient été faites ! Venez mardi.
- Merci Monsieur.
- Vous me remercierez après. Si vous êtes prise, et plus encore si vous ne l’êtes pas !
- A mardi ! Adieu !
- Je vous en prie… Pas de blasphème !