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Le blog littéraire de Cedric Josse
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2 septembre 2009

Rendez-vous manqué

SDC13444J’ai beau vivre à quelques encablures du Reina Sofía, à deux pas du Prado et du CaixaForum et à trois du Thyssen, les musées l’été, ce n’est pas ma tasse de thé! Juan Muñoz aura du attendre, patienter plus de quatre mois pour qu’au terme de cette rétrospective, exactement le dernier jour, je daigne descendre de mon perchoir en direction d’Atocha et du Reina Sofía et que quelques  six euros et trois étages plus loin je lui rende la visite de courtoisie qui s’imposait.

Les médias l’ont abondamment évoqué, les journaux se faisant écho de l’évènement ont publiés articles et photos, plus celles de Bea prisent la veille. Dans ce cas pourquoi y aller? Si j’ai déjà tout vu ou presque du travail de Juan Muñoz, pourquoi dans ces conditions me rendre au musée? Parce qu’en vrai c’est différent! Les œuvres prennent une nouvelle dimension, une dimension spirituelle! Glacées sur le papier en 2D, en trois dans l’espace, elles en acquièrent même une quatrième pour certaines, quand dans la magie du moment, l’objet vous parle, à vous et rien qu’à vous!

Pour revenir à Juan Muñoz, j’ai bien peur et je le déplore que le message qu’il tenta de me divulguer m’ai échappé! Le coupable, Fransisco Sabatini! Peut-on transformer un hôpital en musée? La réponse est assurément non, car cette reconversion malgré les aménagements postérieurs de De Castro y De Onzoño et l’ampliation de Jean Nouvel ne parvient pas à se défaire du carcan étriqué entre camisole et corset qui empêche le bâtiment de s’épanouir pleinement. Moderno por fuera y por dentro?  Inhospitalier à souhait!

Derrière sa façade de verre, en vers et contre tout, le vers c’est vous, perdu dans la chair blanche de ce fruit défendu qui vous résiste! Très vite, la signalétique inintelligible de l’endroit rend la visite pénible. La découverte est là mais il ne s’agit pas d’admirer des chefs d’œuvre sinon de les trouver! Une forêt de petites pancartes, toutes identiques comptant un numéro de salle au dessus du nom de l’artiste présumé exposé vous perdent au lieu de vous diriger. L’art se fait fuyant et dans cette ligne de fuite vous suivez bêtement les fléchettes directionnelles qui se plantent dans votre crane et ne vous conduisent finalement nulle part! Pas de flèche sur l’écriteau, vous y êtes! Une flèche, vous êtes dans la bonne direction mais il faut continuer encore un peu ! Par là, oui par là, non pas par là!

Le nom de Juan Muñoz se détache à peine en neuf lettres grises à la police minuscule du fond du panonceau blanc comme les murs, comme si les commissaires de l’expo avaient souhaiter corser encore un peu plus le jeu! Les musées sont là pour faire travailler la caboche! Tête de pioche on à parfois envie de les éviter on d’enfoncer leurs murs pour arriver plus vite au but! Quand je pense avoir trouvé celui que je cherche et qui en ce jour, éphéméride oblige à plus de valeur que les autres, fort à moi de constaté que c’est encore loupé. Il n’est pas là mais là-bas à l’autre bout de couloir.

Des fenêtres à barreaux, rappellent les temps lointain ou l’hospice retenait ses visiteurs contre leur gré. Elles diffusent la douce lumière qui provient du patio. Jetant un œil vers l’extérieur, je découvre au milieu de formes arborescentes des gens qui déambulent et d’autres assis plus petits entre sol et branchages. Je reconnais là quelques uns des personnages caractéristiques de Juan Muñoz. Je me précipite dardar vers les hôtes de ce bosquet céleste, pénétrant par une porte entrouverte sur une vaste cours d’un vert flamboyant, véritable puis de lumière et dimensions généreuse qui ferait de l’ombre au plus riches des riads.

Aux quatre coins d’une fontaine néo-classique en pleine ébullition, par groupe de deux ou trois, les bonhommes de Muñoz conversent, se rient, amusés, enivrés. De leurs perchoirs ils se jouent des dévotes venus leur rendre hommage! Mélancolie des lieux, clapotis de l’eau qui pleure et se meure dans le bassin, rayons du soleil assassin qui mitraille le feuillage, le temps est à la méditation et l’onirique l’emporte sur l’artistique.

Je regagne l’intérieur du musée par la même porte d’où j’en étais sorti. Le vaste corridor à des airs de Galerie des glaces, le faste et les miroirs en moins. Je vous rappelle que nous sommes dans le Beaubourg madrilène, pas au palais de sa majesté! J’enfile ce qui reste  de couloir, au bout, à deux mètres au dessus de ma tête et presque autant du plafond, se balancent, pendus par le thorax, deux hommes, marionnettes immobiles tenues par un filin qu’un moteur invisible actionne et fait tourner sur elles même comme si un vent complice s’était discrètement levé. Je prends une photo!

Je viens de retrouver l’écriteau qui annonce ici Juan Muñoz. J’entre dans la salle, rien! Enfin pas de trace de Muñoz. Un double escalier en colimaçon s’élève de chaque côté de la porte vers une mezzanine où sont accrochées des lithographies en noir et blanc accentuant l’apparence de bibliothèque recyclée de cette pièce de boiseries décorée. Je la quitte et m’engouffre dans un nouveau volume.

Un passage en enfilade laisse entrevoir que c’est là le chemin qui conduit au monde imaginé par Juan Muñoz au cours de sa courte mais prolifique existence. Au milieu de l’allée, après quinze bons mètres, un petit bonhomme coiffé d’un drôle ce chapeau attend là le gros de la troupe des curieux qui voudra bien lui jeter un coup œil au passage. Je suis sur la bonne voix, j’ai du moins l’audace de le croire!

Face à l’ascenseur, je comprends mon erreur! Premier étage, dédalle identique de salles et de couloirs mais toujours pas de Juan Muñoz! Un plan, miracle! L’expo que je cherche est au troisième. Je reprends l’ascenseur, non pas celui-ci car il descend mais l’autre et m’élève avec lui vers ce troisième ciel artificiel. Derrière les portes en acier brossé un autre monde commence et un nouveau défit m’attend.

Telle une souri de laboratoire, passé la trappe, plusieurs chemins s’offrent à moi. Par ou commencer? A droite une première salle, et puis une autre aveugle. En face un couloir, non plus de couloir! Sur la gauche, quelques bonhommes disséminés et des visiteurs par paquets, pétrifiés eux aussi devant le reflet de leurs âmes que leur renvoient les statuettes gris sal de Juan Muñoz. Je quitte cette salle pour pénétrer dans une autre, et puis une autre et encore autre encore. Le labyrinthe se ressert autour de moi, il semble ne pas devoir finir et me conduit de l’avant d’une pièce à l’autre. Plus petite, plus grande, plus sombre, lumière artificielle ou naturelle, personnages assis, debout, couchés!

Dans la pénombre, au ras du sol deux hommes de petite taille attendent qu’on vienne les voir. Je les ai vus! Les joueurs de tambour orchestrent en silence la visite, ils s’animent sous les flashs. Au dessus du chambranle de la porte ces deux là me regardent et se moquent, je les regarde, on les regarde, ils s’en moquent, ils se regardent. La glace est trop basse, il nous faut nous pencher nous aussi pour nous voir et regarder le reflet du petit personnage sans âge qui se mirent et nous avec. Les musées, s’est mauvais pour les articulations!

La grande salle est pleine à craquer. Pour y entrer et découvrir l’armée des guerriers de Xian version Juan Muñoz, il faut faire la queue et montrer pate blanche. La patience n’est pas ma principale vertu. Je n’ai pas de vertu! Je suppose que le nombre des visiteurs ne doit pas dépasser celui des soldats, pour que le combat soit équitable ! Je baisse les armes et laisse derrière moi l’armée des ombres.

Je me sens peu à peu, obligé, forcé, contré malgré moi de poursuivre la visite. Mais le plaisir n’est plus là. Trop d’enchevêtrements, le Reina Sofía, c’est le parcourt du combattant du visiteur, une marche forcé vers l’extase à tout prix avec en plus la garde rapprochée des gardiens qui vous colle aux basques et ne vous lâche pas du regard. Comme s’ils vous suspectaient d’imposture ou de vouloir dérober les secrets de l’artiste. Acculé, je commence à stresser. L’atmosphère me pèse, les murs se resserrent, les mâchoires de fer du musée se referment sur moi et les personnages maléfiques de Muñoz rient tout fort. Je trouve le salut par une porte qui s’ouvre sur un large balcon, un grand bol d’air vient libérer mes poumons de l’oppression qui les envahit quelques instants plus tôt. Je retrouve une respiration normale.

Los hombres-saco en pleine discussion, que j’avais déjà pu voir faute à Barcelone ont inverti la terrasse. Le visiteur est un intrus, ils n’ont que faire de la présence des bipèdes trop rapides et qui les empêchent de penser. Je me mêle à eux les évitant et je fais vite pour gagner l’autre extrémité du balcon qui débouche je l’espère sur une sortie. Une salle, une autre, beaucoup d’autres mais point d’échappatoire! Désespéré, je demande mon chemin. C’est de l’autre côté!

Je m’introduis de nouveau dans la « conversation » et en ressort à l’autre bout sans en avoir perçu ni le moindre murmure. Je reconnais l’endroit, la pièce des soldats maintenant déserte, les joueurs de tambours qui de concert n’ont toujours pas démarré la représentation. Je repasse sous le couple moqueur, j’accélère, une dernière salle, c’est gagné! Je me jette dans l’ascenseur, niveau zéro, je peux sortir par là? On me dit OUI!

Dehors, la vie, la foule exubérante et la ville qui mugit. Partout de la lumière et le soleil qui me chauffe. A l’intérieur tout est morne, comme figé dans la pierre, l’espace et le temps. Tout n’est que silence. Après 132 jours et un demi-million de visiteurs l’exposition de Juan Muñoz va refermer ses portes derrière moi.

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