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Le blog littéraire de Cedric Josse
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  • Ce blog mélange récits, expériences personnelles, analyses et critiques de la société le tout ponctué de commentaires sur l’actualité nationale/internationale. Este blog mezcla relatos, experiencias personales, análisis y critica de la sociedad.
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22 novembre 2009

Crépuscule

Dans le train, un TGV, au café, écrire! Peut importait l’endroit pourvu qu’on ait des choses à dire. En une seule et même matinée j’étais passé du métro de Madrid à celui de Barcelone par les voies rapides de l’express qui reliait dorénavant les deux capitales, pour finir mon voyage dans un train de banlieue à destination de nulle part, un bled perdu du littoral, une bourgade oubliée de tous à la morte saison sauf de moi car elle était le berceau de quelques vraies amitiés.

Sans ses vagues d’estivants, le paisible village prenait des airs de no man’s land. De la digue on apercevait les vaguelettes d’une mer morne et délavée venant s’échouer cahin-caha au rythme d’un vent lent sur le sable résigné où quelques mouettes voraces piétinaient à la recherche des restes du festin de l’été. Je ne venais pas me revigorer d’air marin, chercher la quiétude ou la solitude propre à tout écrivain en herbe! Je n’étais pas en mal de verve, ni ne souffrais du mal de mer. Ce qui m’amenait ici aujourd’hui, ce qui animait tout mon être par delà les tourments était une raison toute aussi intime à mes yeux, l’anniversaire d’un ami. Je ne doutais pas qu’à la nuit tombée la petite ville ne retrouva tout son éclat et si tel n’était pas le cas nous compterions avec la joie indéfectible qui sommeillait dans nos cœurs à l’idée de se revoir, intacte malgré les années, pour réchauffer nos corps et nos âmes engourdies. L’amitié brûlait comme un feu sacrée en chacun de nous, et je le constatais à ce moment, elle ne se consumait pas avec le temps, bien au contraire! Elle murissait, se bonifiait et arrivait à maturité passées les vertes années et les petits tracas qui avaient emportés chacun de nous de son côté. L’éloignement la rendait encore plus belle et plus précieuse. Etres proches tout en étant loin les uns des autres. A l’instar de certaines relations forcées, l’amitié qui nous liait avait surgie d’elle-même, d’un rien et puis avait grandit sans que rien ne la frêne, ne la guide ni n’essaye de la dompter. Une connexion intrinsèque nous rappelait au bon souvenir de l’autre, nous faisait désirer le revoir et puis quand ce jour arrivait, nous ébranlait et nous faisait tombé tout ému et la larme à l’œil dans des bras qui nous était chers. C’était un lien indéfectible et magique que ce fil qui nous unissait. Ça y est, le mot est lâché « magique »!

Je longeais la voie ferrée puis remontais la ruelle en direction du café, le seul encore ou déjà ouvert à cette heure et en cette saison. L’établissement sorte de bar américain, sortit tout droit d’un film de ….. se trouvait être précisément adossé au cinéma, lui aussi unique à des lieues à la ronde. Entre deux séances, les cinéphiles avertis ou simples amoureux du grand écran venus chercher un moment de détente se retrouvaient ici pour tuer ensemble les dernières minutes avant une nouvelle projection ou se dégourdir le gosier et échanger leurs impressions après la première. Programmation merdique ou public boudeur, je doutais en pénétrant dans ce lieu qu’il y eut plus de monde dans la pénombre des salles voisines qu’il n’y en avait dans le hall de la cafétéria éclairée certes au néon. Je me dirigeais droit vers le bar et sans attendre commandais: « Un cortado descafeinado de sobre o de maquina, lo que sea!. » (Bien que nous soyons dans le Maresme, je me refusais à parler le catalan que d’ailleurs malgré mes années passées à Barcelone je ne métrisais toujours pas.) La serveuse me regarda interloquée, non par mon abnégation à m’exprimer dans la langue du pays sinon devant la volubilité de mes propos. Ayant répondu à la sacrosainte question relative à la nature du café (à savoir soluble ou normal) avant même qu’elle ne me l’eu posée! Je la priais de bien vouloir m’excuser, lui confessais par la même que je j’étais français, et que je n’avais voulu en rien l’offenser. Qu’elle n’alla pas penser que je la toisais, moi qui fraîchement débarqué de Madrid roulais des « r » l’air sur de moi. Je lui expliquais d’un ton amical que là-bas les serveurs et barmen de tous poils me posaient sans cesse cette agaçante question et que toujours prêt à leur servir en retour une réponse prompte je m’étais cette fois outrepassé, lui quittant le texte de la bouche avant qu’elle n’est mot dit. J’ajoutais même que ici comme ailleurs, peut m’importait la nature du café pourvu qu’il fut bon. Elle m’avait comprit et me sourit! Le charme français malgré les hordes sauvages qui déferaient ici chaque été semblait toujours opéré!

Les heures passèrent sans ne rien faire. Je ne m’essayais pas à les retenir, ni ne me pressais à les faire partir, je goutais simplement et pour la première fois depuis longtemps à la douce saveur de l’indolence maitrisée. Le soleil s’en fut qui disparut à l’horizon et quand l’astre fut tout à fait éteint les premières créatures de la nuit apparurent comme je l’avais prédit. Un verre de vin millésimé et quelques bières plus loin, me voici de retour dans le même café, apparemment le seul lieu de vie du quartier occupé à présent par une foule bigarrée. Agglutinés autour du babyfoot c’est encore le Barça sauf surprise qui gagnera ce soir! Trois ans que je n’avais pas joué et mes poignets étaient rouillés. Pour actionner les commandes et les jambes de bois de mes joueurs enfilés sur la brochette en acier, il m’aurait fallut un meilleur coup de main. Ils le savaient et se moquaient pertinemment de mes directives, laissant filer le ballon droit dans les pieds de l’adversaire. Mon équipe fut balayée, laminée, par le CF Badalona. Quelle la déculottée! Sans attendre la deuxième mi-temps, ce fut honte à nous, la défaite à domicile! En quelques minutes et quelques soit mon partenaire de jeu nous encaissâmes plus de buts qu’une pute n’aura reçu de bites dans sa carrière, exception faite qu’on ne nous faisions pas payer pour les passes ni pour les gamelles! Si j’avoue sans peine mon inclinaison pour l’alcool, je me garde en revanche bien des autres jeux de société et mal m’en prenne d’aller trainer mes guêtres sur les gradins de quelques stades où au abords des terrains de foot où des hordes de supporters insupportables viennent laisser éclater leurs frustrations en scandant le nom d’une équipe. Même devant la télé le jeu de jambes d’un Ronaldo ou d’un Messi n’aura jamais autant d’impact sur moi que celui de Bea! Pas rancunier pour un sou nous savourons la débâcle au son du houblon et les godets s’entrechoquent pour de bon! Bien rincés, on trinque aux perdants, aux gagnants, à leur chance de cocus et à tous ceux qui n’ont pas joué et sont restés sur le banc! On trinque à l’amitié retrouvée et puis finalement on trinque pour trinquer! (L’alcool c’est bien connu désinhibe les sentiments tels qu’ils soient, refoulés, inhibés, inventés ou réels.)

Les étoiles dans le ciel brillent presque autant que celles des collerettes de nos Mahou laissées vides derrière nous. C’est cap sur le port avec en ligne de mire les bars grouillants pour marins d’eau douce désireux de se payer une bonne cuite pour pas cher en venant taquiner la gueuse à moins de 5% et celle un peu plus onéreuse à 37,2°! Nous, nous aurons les deux! Une tournée! Deux tournées, le bar déjà bondé à notre arrivée se remplit encore. On se salut. Troisième tournée! Des connaissances, amies d’amis nous ont rejoints. Nouvelle tournée! On fait fit d’un semblant d’amitié qui n’est que prétexte à recommander! Il y aura bientôt plus d’Estrella sur le bar que d’étoiles au drapeau américain! C’est qu’on est des vrais patriotes! On descend tout ce qui se présente, comme les ricains! On ne sait plus bien ce que l’on fête mais on le fête néanmoins avec entrain! Plaisirs des sens c’est l’essence du plaisir! Les tournées se succèdent. On échange des regards, les corps se frôlent, se pressent subrepticement les uns contre les autres puis s’éloignent, plus prêt, plus loin, encore un peu, il se rapprochent mais pas trop ou ce serait le désastre! L’adultère rode et l’orgie générale n’est pas loin! Les phéromones se mêlent aux particules chargées d’électricité et la trique en avant on avance et se fraye un passage au milieu de la meute en chaleur. On se parle à l’oreille pour échapper au brouhaha général, joue contre joue, peau contre peau et la sienne qui se colle à la mienne et puis sa langue qui passe sur mes lèvres entrouvertes qui se referment et l’aspire. Ouf! Je ne suis pas passé loin de la catastrophe!

Des visages, des figures et la mienne aux aboies dans la glace. J’ai mon compte, je n’ai plus soif, je suis plein et pour vider ce trop plein, ma vessie me fait signe d’aller pisser. Je reste néanmoins scotché quelques minutes au comptoir crasseux où je suis appuyé. Je me suis envoyé tant de ces petites blondes bon marché que c’est un peu comme si j’avais débarqué dans un pensionna un jour d’eucharistie! Je suis vidé, bourré mais pas ivre. C’est le tribut dont il faut s’acquitter parfois pour se sentir vivre. Je finis par quitter le bar. Je marche de travers, en avant, en arrière, les embruns me bercent et me font du bien. Je grimpe sur le haut d’un talus, non pour la vue mais pour, par delà une rangée de buisson épineux rendre à la nature ce qui lui appartient. Puis je reprends mon chemin sinueux, vers cet hôtel, cette pension, cet appart loué trois francs six sous loin de chez moi et où personne ne m’attend. Je rampe dans le crépuscule comme une créature maléfique puis me cramponne à la rampe, celle de l’escalier que j’agrippe. J’ouvre la porte sans clé et me jette sur le lit qui n’est pas défait puis perds connaissance juste au moment ou le soleil pointe son nez à ma fenêtre.

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