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Le blog littéraire de Cedric Josse
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  • Ce blog mélange récits, expériences personnelles, analyses et critiques de la société le tout ponctué de commentaires sur l’actualité nationale/internationale. Este blog mezcla relatos, experiencias personales, análisis y critica de la sociedad.
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14 juin 2010

Luxembourg

6h30 : Je m’éveille.

6h35 : Je vais pisser.

6h55 : Les paupières closes, je m’empare instinctivement du réveil avant qu’il ne sonne.

7h00 : Il sonne et je l’éteins.

Entre 7h05 et 7h15 je me lève, cette fois-ci pour de bon, chausse les crampons et sors.

7h30 : Je suis le premier ou parmi les premiers à me présenter devant les grilles du Luxembourg. J’entre par la porte principale, généralement ouverte avant les autres. Et c’est parti pour 40, 50 ou peut-être même bien 60 minutes d’une course qui me reconduira précisément à mon point de départ, selon que mon genoux, le droit, tiendra 8, 10 ou 12 kilomètres avant de se faire ressentir. Envoyant alors des informations au cerveau qui me les communique à son tour et m’avertit que je ferai peut-être bien de m’arrêter. Selon le cas, après le quatrième, le cinquième ou le sixième tour… Ça dépend de ma forme du jour ! Sachant que quoi qu’il arrive et sauf exception rare, la douleur se réveillera à un moment ou à un autre du parcours et c’est le plus souvent en trainant la pate que je boucle les derniers hectomètres, gravissant en serrant les dents le faux plat qui conduit vers le Panthéon et la libération.

A Madrid, je n’ai jamais rencontré ce genre de problème. J’attribue la gêne occasionnée à la topographie du terrain. Le sol est ici moins régulier. Loin des larges et longues allées qui descendent comme des avenues en pentes douces puis remontent de façon progressive inversant ainsi l’inclinaison et compensant le dénivelé pour retrouver une bande de terre plane ou je peux reprendre son souffle et déployer mes abattis. Comparé au Retiro le jardin du Luxembourg n’est qu’un vaste square en chantier. Quatre fois plus petit, il a fallut tout y caser ! Belles allées bordées de platanes et de marronniers aux branchages entremêlés s’élevant en voûtes célestes dont les feuilles me provoquant au printemps une allergie rédhibitoire. Petits sentiers bucoliques abritant les premiers baisers de la jeunesse dorée du quartier. Parterres de fleurs fraiches aux milles couleurs et pelouses toujours vertes, interdites il est vrai au public des quadrupèdes comme des bipèdes. Plus quelques aires de jeux et terrains de sport fatigués accessibles aux bambins de parents d’âge avancé et aux sportifs du dimanche venus sués sur le tarmac du modeste terrain de street-basket ou tombés à la suite d’un pari dans les mailles du filet de l’un des cours de tennis calamiteux. Plus le Sénat avec ses pensionnaires et toute une escouade de képis pour les protéger.

Courant toujours dans la même direction, la bonne à mon sens, peut-être ainsi me fatiguais-je plus vite ? Je m’explique… Prenant les mêmes appuis, aux mêmes endroits, au rythme saccadé de mes foulées, il apparait normal qu’au bout d’un moment la jambe qui supporte mon poids à l’intérieur des virages et travaille donc plus que l’autre ressente d’avantage l’effort et que mon genou lassé de ces coups de boutoir incessants finisse pour protester par refuser de se plier ! Paralysant ainsi partiellement le membre dont il fait parti en le privant d’une partie de sa mobilité puis finalement le stoppant net dans sa course et moi avec quand j’aurai encore voulu gambader quelques tours. Terrassé par l’incontrôlable et violente et douleur, j’abdique ! Il me faudrait pour continuer à courir, soit couper les virages, soit alterner le sens de ma course, un tour à droite, un tour à gauche… Ou bien partir un jour par la droite et démarrer le jour suivant par la gauche. Ou me couper la jambe et utiliser une prothèse qui ne se rebellerait pas! (Ce n’est là qu’une hypothèse farfelue!)

J’en étais là, tournant en rond dans le 6ème arrondissement, sentant en moi-même la douleur grandissante quand je l’ai croisé. Elle courrait dans l’autre sens pour échapper, qui sait, à ses réalités ! Après lui avoir sourit à plusieurs reprises quand je me fus arrêté pour de bon, étirant mes membres postérieurs sur un banc je finis par lui adresser la parole quand elle passa tout près de moi. Juste deux mots lâchés au dépoté. « A demain ! »

« A demain, ouais ! » m’avait elle répondu se retournant interrompue dans sa course.

Le lendemain, je ne l’ai pas revu ! Soit qu’elle ne soit pas venue, soit qu’elle vint plus tard pour m’éviter ! Le surlendemain, rien non plus, la belle avait disparut !

Aujourd’hui, je caressais l’espoir de la revoir, de l’entrevoir… Avalant les tours, gobant quelques moucherons au passage, j’évitais les fauteuils d’aciers dressés comme des écueils au milieu des allées détrempées, enjambais les sillons creusés par les pluies de la nuit dernière. Je croisais bien d’autres coureuses et d’autres coureurs de jupons qui comme moi poursuivaient de beaux derrières mais ne vis point le charmant minois de l’autre fois sortir des bois pour venir poser sur moi ses yeux rieurs. J’ai néanmoins amélioré ma « meilleure  performance »  du moment de près de 2 minutes ! Un record, même si je suis encore bien moins de mon meilleur chrono!

Le jour suivant, je ne la vis pas plus ! Peut-être lui avais-je fichu la frousse pour de bon ? Elle m’avait pris pour un sadique ou bien effarouchée, un rien hautaine avait-elle abandonné la course qui finalement n’était pour elle qu’un passe-temps, une lubie passagère que deux mots mal placés avaient suffit à renvoyer au vestiaire? (J’ai encore gagné quelques secondes !)

Idem le jour suivant…

Le jour d’après contre toute attente j’entendis une petite voix, la sienne, me saluer alors que j’étais en pleine « méditation ». Relevant la tête, moi qui en étais déjà à la phase finale d’étirements, je balbutiais à l’emportée un bonjour mal articulé accompagné d’un : « Comment ça va ? (Aujourd’hui) » sans conviction. « Ça va » me dit-elle sans trop y croire non plus. Avait-elle des soucis ? (Qui n’en a pas de nos jours ?) J’aimerai la suivre, la poursuivre, la rattraper et continuer encore un peu cette petite conversation qui nous mènerait peut-être quelque part, bien loin des grilles du Luxembourg, mais passif, éreinté, et la guibole en loque je n’en fis rien. Je tenterai ma chance demain, la prochaine fois… Malheureusement ce jour ne vint jamais!

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